Ça me gratte : la loi NOME, la « concurrence » au service des entreprises

Concurrence : que dit la théorie, petit rappel très rapide…

Chapitre I du manuel d’économie industrielle : la tradition de l’école d’ Harvard avec la théorie SCP (structure – Comportement – Performance) défendue par Bain et Masson. Cette approche qui   s’appuie sur les fondations de l’analyse Néoclassique postule qu’une structure de marché concurrentielle (atomicité de l’offre) est une condition nécessaire au bon fonctionnement des marchés. En effet, une entreprise en position dominante détient un pouvoir de marché qu’elle peut utiliser pour imposer ses conditions (prix-quantités) au détriment du consommateur. Par conséquent, une telle structure doit être démantelée.

Cette approche est contredite par l’école de Chicago, chapitre II du manuel, qui estime que le monopole peut, grâce à l’existence d’économies d’échelle, constituer la structure de marché la plus efficace. La concurrence (i. e.l’atomicité de l’offre) ne doit être imposée que si la compagnie en question utilise ce pouvoir de monopole pour orienter le marché. Dans cette perspective, la concurrence n’est pas un objectif en soit mais un moyen.

Dans le sillon de l’école de Chicago, Baumol, Panzar et Willig (BPW) vont plus loin avec la théorie des marchés parfaitement contestables, chapitre III du manuel d’économie industrielle. Pour ces derniers une structure monopolistique peut être concurrentielle si l’entrée sur le marché est possible sans coûts spécifiques. Pour être plus précis, si le monopoleur abuse de sa position dominante pour augmenter les prix, une entreprise doit pouvoir entrer sur le marché pour le concurrencer. Ce qui signifie qu’une concurrence potentielle peut être suffisante pour discipliner une entreprise en position dominante. En effet, si cette dernière augmente les prix, il existe une opportunité de profit, qui sera exploitée par un nouvel entrant. On peut, prolonger cette idée en supposant qu’il en est de même si le monopole sous investit et n’innove pas suffisamment. Ce qui signifie que pour BPW, la régulation doit d’abord viser à veiller à ce que le marché soit contestable i.e. qu’il n’y ait pas de barrières à l’entrée.

Les deux traditions s’opposent sur une conception très différente de la concurrence. Pour l’école de Harvard elle est une finalité, une condition nécessaire au bon fonctionnement du marché. Pour l’école de Chicago (et BPW) elle est un outil.

L’apport de la France à l’analyse économique : la loi NOME

La France a son approche de la régulation, et le prouve avec la loi NOME (loi de nouvelle organisation du marché de l’électricité).

L’histoire commence avec l’ouverture à la concurrence des marchés européens de l’énergie. Mais, dès le départ, la chose s’engage mal en France. En effet, pour concurrencer EDF les distributeurs alternatifs doivent acquérir de l’électricité sur un marché de gros (le marché spot) où les prix sont déterminés à partir du mode de production le plus coûteux. Or, EDF, grâce à l’utilisation du nucléaire, produit une électricité à un coût très compétitif. Cette rente du nucléaire étant, avec les tarifs réglementés, redistribuée au consommateur, il n’y a aucune entrée profitable. Mais le gouvernement Français, qui ne compte pas contredire la politique européenne, ne l’entend pas de cette oreille. Les tarifs règlementés posent problème? Difficile de les supprimer? Qu’à cela ne tienne, on les rend moins attractifs, avec la loi Nome.

Le texte, en l’Etat (il est toujours en discussion), prévoit que les alternatifs aient un accès garantie à 25% de l’électricité de EDF à un prix défini, plus faible que celui fixé sur le marché de gros. Mais ce dernier, qui devrait, malgré tout, être supérieur au coût de production d’EDF, devient le nouveau prix de référence pour calculer les tarifs réglementés. Ce qui signifie que, mécaniquement, les consommateurs français, qui jusqu’à présent bénéficient d’une énergie relativement bon marché par rapport au reste de l’Europe, vont voir augmenter (flamber?) leur facteur d’électricité.

Par conséquent, pour le gouvernent Français un marché ne doit pas seulement être contestable, il doit  être contesté (i.e. atomistique).

On pourrait penser que la politique française (et de Bruxelles) est une absurde (car idéologique) résurgence de la pensée d’Harvard (l’atomicité de l’offre est la meilleure situation possible). Mais c’est oublier un point essentiel : aussi dogmatique soit il, la finalité de ce courant de pensée (de manière générale de l’analyse économique) a toujours été de parvenir à la meilleure situation possible pour le consommateur et non de permettre à des entreprises d’exister et encore moins de s’enrichir sur le dos des consommateurs.

L’ouverture des marchés de l’énergie ne crée pas seulement, en France, une concurrence inutile, elle instaure un parasitisme économique en total contradiction avec les valeurs du libéralisme défendues par la France et Bruxelles.