Commerce électronique : la logistique doit être plus intelligente pour être plus soutenable

On entend beaucoup parler de la logistique intelligente (smart logistics) qui serait le résultat de l’utilisation de l’intelligence artificielle, de convoyeurs entièrement automatisés ou même de robots autonomes qui, dans les entrepôts de grands e-commerçants, participent à la préparation des commandes. Cependant, l’ensemble de ces progrès restent assez invisibles pour les consommateurs qui achètent en ligne. 

Il existe toujours, en effet, un certain nombre de contraintes qui peut conduire le consommateur à hésiter, voire à renoncer, à finaliser sa commande. Par exemple, lorsque vous commandez un objet, quelques minutes ou quelques heures après (cela dépend du vendeur), vous ne pouvez plus annuler votre commande. Il vous est demandé de refuser le colis lors de la livraison, ou de le retourner.

Un autre exemple, à mon avis plus critique, est relatif à la capacité du consommateur à optimiser ses achats pour adopter un comportement d’achat plus responsable. Je suis peut-être le seul à le faire – même si j’espère que non – mais lorsque je fais des achats en ligne, j’essaie de le faire de la manière la plus soutenable : rassembler tout ce dont j’ai besoin dans une commande unique adressée à un détaillant spécifique. Le but ? Minimiser le nombre de boîtes en cartons utilisées pour l’expédition ce qui permet de réduire l’espace occupé[1] dans les avions et les camions mais aussi et surtout que la livraison se fasse en une seule fois : une remise, une boîte.

Dans le secteur du e-commerce (B2C), le dernier kilomètre est le plus impactant en matière de CO2 et de pollution de l’air (particules, NOx, ect.) mais aussi en termes de coûts pour les transporteurs et les “e-commerçants”. Dès lors, on pourrait penser qu’une telle optimisation est encouragée par toutes les parties prenantes. Mais, en réalité, les choses sont très différentes. En effet, lorsque vous achetez sur une place de marché (marketplace) ou chez un grand e-commerçant (les plus populaires étant en général positionnés sur ces deux activités), il vous est pratiquement impossible de faire une telle optimisation. Vous pouvez acheter différents produits un jour défini et auprès du même commerçant cela n’empêchera pas que vous les receviez dans des colis distincts et/ou sur plusieurs jours et/ou avec différents transporteurs. Je ne sais pas pour vous, mais personnellement, je le vis souvent.

Autre problème, lorsque vous passez une commande, si plus tard vous vous rendez compte que vous avez oublié d’acheter un article, la plupart du temps (toujours ?), il est impossible de l’ajouter à cette dernière commande (je veux dire dans la même boîte / livraison). Vous devrez donc faire un nouvel achat et, par conséquent, vous recevrez un colis supplémentaire, éventuellement un jour différent. 

Cela tient à deux difficultés qui ont des origines très différentes. C’est d’abord, un problème structurel : les marchandises que l’on commande proviennent de différents entrepôts, fournisseurs (/ pays) et vendeurs (sur une place de marché / marketplace). Puis, la recherche continue, par des détaillants qui souhaitent se différencier, d’une amélioration de la vitesse de livraison. Ainsi, chaque bien commandé est envoyé directement au consommateur quel que soit son lieu de stockage et sa destination, ce qui crée de nombreuses contraintes logistiques et empêche toute flexibilité. Être livré rapidement implique que chaque étape du processus de livraison soit accomplie (et verrouillée) le plus vite possible. Surtout les premières liées à la préparation de la commande. L’objectif est d’avoir les cartons remplis et prêts à être expédiés aussi vite que possible. Une fois que le colis est sur le quai et prêt à être mis dans le camion, les jeux sont faits. Aucune modification ne peut être effectuée dans la commande. Ce qui signifie que remédier aux problèmes que nous avons soulevés implique de renoncer à cette course effrénée à la vitesse ou tout du moins qu’elle ne soit plus une démarche globale mais attachée à certains types de services (par exemple la santé, des services industriels critiques, etc.) ou d’opérations (par exemple les livraisons avec un triporteur depuis un commerce ou un dépôt local). 

Au-delà de cet aspect “commercial”, introduire de la flexibilité dans la logistique implique un certain nombre de transformations organisationnelles. Et il ne s’agit pas seulement d’ajouter de « l’intelligence » avec des logiciels et du code. 

Actuellement, les livraisons reposent sur une logique de tri, essentiellement réalisée par les transporteurs, basée sur la destination (/ adresse du destinataire) : pays-ville-code postal-tournée. Nous proposons d’ajouter un nouveau niveau d’opérations, qui interviendrait avant que soit considérée la destination, et serait basé sur le destinataire. L’objectif serait de consolider les achats effectués chez un e-commerçant par un consommateur sur une certaine période de temps. En conséquence, tous les articles achetés par un client, sur un laps de temps défini, sont placés dans un seul colis et livrés en une seule fois. Faire un tel travail signifie des opérations dédiées, des entrepôts avec l’équipement et les logiciels appropriés pour faire face à cette nouvelle complexité. Le nœud de cette nouvelle organisation est l’entrepôt où tous les articles achetés sont rassemblés pour être regroupés par destinataire.

À quoi pourrait ressembler cette organisation des opérations logistiques ? Par exemple, une commande passée par un consommateur le jour 1 à 13 h 00 restera ouverte pendant le temps nécessaire pour rassembler toutes les marchandises qu’il a acheté dans un même colis (généralement une boîte en carton) et cela dans un entrepôt de consolidation dédié. Durant cette étape, ou pendant un certain laps de temps, le consommateur pourra modifier sa commande (supprimer et ajouter des biens). Le commerçant peut également pendant cette étape proposer des modifications qui induisent de nouveaux délais s’ils sont acceptés par le consommateur. Pour continuer avec cet exemple, imaginons que la commande est prête à être expédiée le jour 2 à 13h. Le colis est ensuite fermé et transféré – comme c’est actuellement le cas- au transporteur. 

Pour les petites entreprises, il se peut que cette démarche puisse s’appliquer simplement en retardant les opérations (avant de fermer le colis) car toutes les marchandises sont dans le même entrepôt, l’objectif étant de donner plus de temps aux consommateurs pour changer d’avis. Pour les plus gros opérateurs, comme souligné ci-dessus et montré dans le graphique ci-dessous, cela serait un peu plus complexe. Des opérations dédiées seraient nécessaires pour stocker et regrouper tous les articles achetés par un consommateur, avant de rendre les commandes non modifiables et de les expédier.

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Les avantages pour les “e-commerçants” et les transporteurs pourraient être significatifs : des opérations liées aux derniers kilomètres optimisées, moins de boîtes en carton utilisées, le chargement des véhicules maximisé grâce à des délais supplémentaires pour les remplir (tenir la promesse actuelle de vitesse oblige les transporteurs / détaillants à expédier certains camions avant de les avoir entièrement chargés, voire à moitié vide). Il est également important de souligner qu’un consommateur qui a plus de temps pour modifier sa commande est moins susceptible de faire des retours.

D’un point de vue général, tout le monde bénéficierait de ces améliorations : les matières premières utilisées comme déchets diminueraient (avec moins de cartons utilisés/emballages) et les émissions de GES et de polluants liées aux transports seraient réduites.

Avec le développement du e-commerce, il pourrait également être souhaitable à terme que des logisticiens spécialisés consolident par destinataire des achats provenant de plusieurs commerçants et ajoutent ainsi une couche supplémentaire d’optimisation. Cela pourrait également être la démarche de détaillants qui s’allient dans l’objectif d’optimiser les coûts et de minimiser les impacts de la logistique.

[1] Il est important de souligner que les boites utilisées sont rarement pleines, ce qui conduit à transporter du vide. Plus on réduit le nombre de paquets expédiés moins de vide est transporté, d’autant plus si cela permet de remplir des cartons surdimensionnés.

Voir également :

Ecommerce : les livraisons de nuit sont la vraie révolution

Pourquoi il faut adopter la boite à colis!

It’s About Connecting, Not Delivering

Last mile delivery: what do consumers really want?

Drones will change logistics, but not the way you think….