Ça me gratte : le « simlockage », un dispositif anachronique et injuste

Un groupe de sénateurs vient de déposer une proposition de loi visant à encadrer le « simlockage » des téléphones. Pour être plus précis ce texte propose que le déverrouillage (« dé-simlockage ») de l’appareil soit proposé gratuitement au consommateur l’ayant acquis dans le cadre d’un renouvellement.

Je me réjouis de cette avancée, cependant, pour ma part, il me semble nécessaire de l’interdire totalement. En effet, ce dernier mis en place dans un premier temps pour lutter contre le vol des terminaux est devenu, avec l’émergence de certains dispositifs, totalement anachronique.

I. Le « simlockage » se justifie-t-il encore?

Le « simlockage » a été autorisé notamment par l’arrêté du 17 novembre 1998[1] modifiant l’arrêté du 25 mars 1991[2] portant sur « l’autorisation d’extension, dans la bande des 900 MHz, d’un réseau de radiotéléphonie publique pour l’exploitation d’un service numérique paneuropéen GSM F2 »

Selon ce texte l’opérateur a, malgré tout, « l’obligation de communiquer systématiquement et gratuitement à l’abonné la procédure de désactivation de ce mécanisme à l’issue d’une période proportionnée au risque encouru, ne devant en aucun cas excéder six mois à compter de la date de conclusion du contrat d’abonnement »

Cependant, le texte précise bien que le « simlockage » est un dispositif provisoire, autorisé pour laisser le temps aux opérateurs et aux constructeurs de terminaux de développer et de proposer des solutions efficaces contre le vol.

« Dans l’attente que de telles solutions puissent constituer une protection efficace contre le vol des terminaux, l’exploitant peut faire activer, lors de la vente ou de la location-vente de terminaux, des logiciels ou des dispositifs empêchant ces terminaux de fonctionner sans adaptation préalable sur un réseau autre que le sien, sous réserve des dispositions suivantes visant à garantir la liberté de choix de l’abonné »

Or, depuis 1998, d’importants progrès ont été réalisés et n’importe quel téléphone peut être bloqué à distance. Il suffit pour cela de communiquer son numéro IMEI à son opérateur.

Par conséquent, le « simlockage » n’est plus nécessaire pour protéger un terminal contre le vol. D’autant plus, que le blocage technique via l’utilisation du numéro IMEI est plus efficace, puisque le « simlockage » permet de continuer d’utiliser le téléphone, pourvu que l’on utilise le réseau de l’opérateur l’ayant vendu.

II. Le « simlockage » nécessaire pour éviter les comportements opportunistes ?

Les opérateurs défendent volontiers le « simlockage » en arguant qu’il permet de limiter l’émergence de comportements opportunistes. L’idée serait qu’un consommateur pourrait prendre un abonnement avec un téléphone subventionné puis céder ce dernier à un tiers sans tenir ses engagements.

Cet argument est irrecevable dans la mesure où le consommateur bénéficie d’un téléphone mobile subventionné en échange d’une période minimale d’engagement d’un an. Ce qui signifie qu’il lui est impossible d’arrêter son abonnement pour jouir du téléphone chez un autre opérateur, ni de multiplier les souscriptions pour bénéficier très régulièrement d’un nouveau téléphone.

Dans les faits le consommateur se réengage le plus souvent pour 24 mois, dès lors il lui est impossible de bénéficier, dans ce laps de temps, d’un autre terminal subventionné sans s’engager chez un autre opérateur i.e. sans payer deux abonnements pendant au moins 1 an[3].

Compte tenu de ces éléments, il apparaît clairement qu’il n’existe aucune opportunité de comportements opportunistes pour le consommateur. En l’occurrence le « simlockage » n’est d’aucune utilité.

Pourtant les opérateurs maintiennent le « simlockage » alors même qu’il nuit au consommateur qui ne peut pas jouir librement d’un téléphone qu’il a payé directement ou indirectement.

III. Le téléphone n’est jamais offert, le « simlockage » n’est donc pas une contrepartie raisonnable !

Contrairement à une idée reçue, le subventionnement du téléphone n’est pas un cadeau de l’opérateur au consommateur. Il existe deux contreparties et non des moindres.

  1. Le consommateur doit s’engager pour une durée minimale d’un an. Cependant, dans la grande majorité des cas, le consommateur s’engage deux ans. Lors d’une première souscription, la période d’engagement choisie par le consommateur (12 ou 24 mois) influe pas ou peu sur le tarif du téléphone. A contrario, si le consommateur prend un téléphone dans le cadre d’un réengagement, la durée de ce dernier influe substantiellement sur le prix du terminal. Si bien que les consommateurs choisissent majoritairement un engagement de 24 mois.
  2. Le prix du forfait est plus important si le consommateur a bénéficié d’un téléphone subventionné. Dès lors, la subvention peut être considérée comme « un crédit » sur l’achat du terminal.

Dans cette perspective, on ne peut que s’interroger sur l’existence d’une justification réelle au blocage des téléphones obtenus auprès des opérateurs. En effet, quoiqu’il arrive le consommateur doit, d’une part, rester son client (au moins 12 mois), d’autre part,  rembourser la subvention sur son terminal via des tarifs plus élevés.

 

[1] En fait il est présent dans plusieurs textes.

[2] Source : http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000573407&fastPos=28&fastReqId=1629019627&categorieLien=id&oldAction=rechTexte

[3] Le consommateur a la possibilité de partir de chez son opérateur après 12 mois d’abonnement. Cependant, cette disposition introduit pas la loi Châtel prévoit une pénalité d’au moins un quart des montants dû ce qui est clairement dissuasif.