Impôt sur le revenu : entre mythe et réalité

Je me suis rendu compte en enseignant que peu de mes étudiants savaient de quelle manière se calcule l’impôt sur le revenu. En évoquant ce manquement autour de moi j’ai remarqué que finalement beaucoup de monde l’ignorait. D’ailleurs, j’ai constaté qu’il y avait encore beaucoup de mythes, faits de lieux communs autour de l’impôt comme l’éternel : « Si je travaille plus je vais passer à la tranche supérieure et payer plus d’impôts».

C’est pour cette raison, mais aussi parce que la déclaration des revenus est d’actualité, que je me permets de vous faire un petit cours sur l’impôt.

L’impôt est un barème, voici celui à appliquer pour les revenus de 2003.

impot[1]

Pour être plus précis prenons l’exemple d’un individu, célibataire, qui a gagné dans l’année 15 000 euros. Quelle somme va t-il payer ?

– Première étape, il faut déduire le premier abattement ou les frais réels. Les frais réels représentent la somme des dépenses déductibles, comme les frais de trajets entre votre domicile et votre lieu de travail, les frais de repas ainsi que d’autres dépenses effectuées dans le cadre de l’activité professionnelle (ordinateur, librairie, vêtements, etc…). Si vous décidez de déduire vos frais réels vous n’avez pas le droit à l’abattement de 10 %. La stratégie consiste à comparer ces deux procédures afin de choisir la plus avantageuse.

Dans notre exemple, l’individu choisit l’abattement de 10%.

Donc 15 000 – (15 000x 0.10) = 13 500 euros.

– Deuxième étape, quelle que soit la procédure lors de la première étape, vous devez à présent déduire le deuxième abattement de 20%.

13 500 – (13 500×0.20)=10800 euros.

– Avant de commencer le calcul il faut tenir compte des parts pour calculer le quotient familial (QF). Ce dernier s’obtient en divisant le revenu après abattements, par le nombre de parts.

Notre individu est célibataire, il n’a qu’une part, son QF est 10 800/1=10 800

S’il avait été marié et son épouse sans revenu son QF serait 10 800/2= 5 400 puisqu’un couple marié compte 2 parts.

– Il suffit ensuite de regarder à quelle tranche correspond le QF: 10 800. Notre individu constate qu’il est dans la tranche à 19,14 %. Ceci ne signifie pourtant pas qu’il va payer ce taux. C’est le taux applicable à la partie de son revenu supérieure à 8383 euros.

Calculons l’impôt de notre individu :

4 262 x 0 + (8 382-4 263) x 0.0683 + (10 800-8 383) x 0,1914 = 743,93[1]

Notre individus paiera 743,93 euros d’impôts sur le revenu imposable soit un taux moyen de : (743,93/10 800) x 100= 6,88%. S’il l’on tient compte du revenu avant abattements on obtient un taux effectif de (743, 93/15 000) x 100 = 4,95%

Ce calcul invite à la prudence quant au taux annoncé, il est en effet facile de confondre le taux des tranches et le taux moyen. Comme l’on vient de le voir notre individu-test se situe dans la tranche à 19,14%, alors que  son taux effectif d’imposition n’est “que” de 4,95%. C’est pour cette raison qu’un certain nombre d’économistes, comme T. Piketty, estiment que l’application d’un taux effectif permettrait d’améliorer la lisibilité de l’impôt. On pourrait par exemple appliquer un taux de 4,95% pour toute personne qui gagne entre 8500 à 10000. Il suffirait d’appliquer ce taux à la totalité de son revenu. A cet égard  le gouvernement de Mr Jospin a fait un premier pas dans ce sens en introduisant sur la feuille d’imposition le taux effectif payé par chaque contribuable.

Il est important de noter qu’il y a toujours un gain à travailler plus puisque seule la partie qui conduit à changer de tranche sera taxée par un taux plus élevé. Par exemple, si vous aviez en 2002, après abattement, un revenu de 12000 euros et que celui-ci était de 15000 en 2003 votre revenu supplémentaire aurait deux taux différents, les 2753 premiers euros seraient taxés au taux de 19,14% alors que les 247 euros restant seraient taxés à 28,26%. La tranche la plus haute ne s’applique donc qu’à une partie marginale du revenu.

Tous les contribuables bénéficieront cette année d’une baisse supplémentaire de 3%. Le gouvernement de Mr Raffarin a contribué à faire baisser l’impôt sur le revenu (IR) d’environ 9% en deux ans. Cette stratégie vise à redynamiser l’économie, l’objectif étant d’augmenter le revenu disponible des ménages pour favoriser la consommation. Cependant, étant donné l’environnement économique actuel, cette politique peut paraître critiquable. Par ailleurs, son efficacité paraît limitée puisque les ménages bénéficiant de cette mesure sont aussi les moins susceptibles de transformer ce supplément de revenu en consommation[2]. Or, les individus en mesure d’influer sur la consommation, ayant des revenus modestes, ne sont pas soumis à l’impôt sur le revenu. En revanche, leurs revenus diminuent puisque l’ensemble des prélèvements obligatoires, après des années de baisse, repart à la hausse pour atteindre 43,9 % du PIB en 2003 contre 43,8 % en 2002.

Par conséquent, ne serait-il pas préférable de s’attaquer d’abord aux autres prélèvements qu’à l’IR, qui est déjà relativement faible (ses recettes ne représentent que 3,5 % du PIB ce qui en fait un des plus faibles d’Europe) et demeure l’un des plus équitables par sa progressivité[3]? De plus, est-il raisonnable, étant donné le déficit budgétaire (4,1% du PIB), de réduire les recettes de l’Etat ? Ne faudrait-il pas d’abord commencer par assainir les finances publiques qui, compte tenu l’ampleur du déficit, sont susceptibles de conduire à terme (puisque le pacte de Maastricht semble être mis entre parenthèses pour le moment) à une sanction de la part de la Commission Européenne (le plafond des déficits autorisés est de 3% du PIB).

Le déficit hérité par Mr Raffarin en 2001 était de 1,5%. Bien sur, il convient de souligner que l’accélération qu’il a connu depuis serait en partie due à l’important ralentissement de la conjoncture économique. L’optimisme affiché par le gouvernement en 2002, qui tablait sur 2,5% de croissance en 2003, serait également à l’origine d’anticipations erronées, induisant ainsi en erreur le gouvernement sur la politique à conduire.

La décentralisation est aussi susceptible d’accentuer cette tendance haussière des prélèvements obligatoires, car compte tenu de l’augmentation des compétences des régions, il y a fort à parier que cette réforme s’accompagne d’une augmentation des divers impôts locaux.

Tout ceci nous amène à nous interroger sur la politique du gouvernement. Comment parvenir à concilier la baisse des impôts, la réduction des déficits et la décentralisation ?

Le gouvernement, qui a confié à Mr Sarkozy la dure mission de réduire les déficits, aura probablement beaucoup de mal à dénouer ce sac de nœuds.

graphdoc3[1]

Ce graphique, provenant de l’OCDE est construit à partir des chiffres de 1997. Même si les taux de prélèvement ont évolué depuis, il intéressant de noter que les ménages les plus modestes paient en moyenne 15% de leurs revenus en impôts et que les 5% plus riches paient un peu plus de 20% de leurs revenus. Si l’impôt sur le revenu continue de baisser, cet écart se réduira davantage.

 

[1] Le formulaire joins à la déclaration de revenus indique la formule suivante : revenus x 0,1914 – 1322,92 X nombre de parts. Ce qui pour notre individu donne le même résultat : 10800 x 0,1914 – 1322,92 x 1 = 744 euros. Cette formule est plus simple que celle exposé, cependant l’objectif de notre démarche n’est pas de simplifier le calcul mais d’apporter quelques éclaircissements sur sa construction.

[2] Ces individus ont une faible propension marginale à consommer. Concrètement il s’agit d’individus aisés qui ont satisfait l’essentiel de leurs besoins, si bien qu’ils transformeront l’essentiel de leur revenu supplémentaire en épargne.

[3] Il est surprenant de constater, avec le tableau 1, que l’équité est tributaire de cet impôt. Plus la part de l’IR dans l’ensemble des prélèvements baisse et plus les taux de prélèvements convergent. Ce qui signifie que la part totale des revenus prélevés en % varie peu que le ménage soit “riche ”ou “pauvre”.