Ça me gratte : le « quadruple play » vraiment bénéfique pour le consommateur ?

Les opérateurs se préparent à leur manière à l’arrivée de Free dans le mobile. Chacun y va de sa petite offre dite « quadruple play ». Ne manque plus qu’Orange à l’appel, mais elle est sur sa feuille de route.

Le quadruple play, une stratégie pour gêner l’entrée de Free dans le mobile ?

Bien que les offres « quadruple play » puissent être avantageuses pour le consommateur, il ne faut pas se tromper sur leur raison d’être. Il ne s’agit pas pour les opérateurs de faire un cadeau au consommateur mais bien de le rendre toujours plus captif.

En effet, comment retenir un peu plus un consommateur déjà englué dans un contrat mobile de 24 mois? Lui glisser dans les pattes une « box ». Et ceux qui ont essayé le savent : changer de FAI ce n’est pas (encore ?) une sinécure.

D’ailleurs, est-ce un hasard si Free a proposé, sur Vente privée, il y a quelques semaines, des abonnements à 10 euros. Le FAI a bien conscience que les consommateurs les plus susceptibles de se convertir à son offre mobile ce sont d’abord ses clients et cela est d’autant plus vrai s’il est en mesure de leur proposer une offre « quadruple play » avantageuse.

Free n’ignore pas non plus qu’un consommateur ayant souscrit au « quadruple play » d’un concurrent sera quasiment impossible à conquérir. D’une part, il sera probablement bloqué par un engagement de 24 mois sur la partie mobile de son offre, d’autre part, changer d’opérateur pour un seul des services (mobile ou fixe ) sera coûteux pour le consommateur (un coût d’opportunité, car le consommateur perd le rabais accordé pour une offre couplée mobile-fixe)

De manière plus générale le marché des communications électroniques risque dans l’avenir de devenir encore plus visqueux qu’il ne l’est aujourd’hui (ce qui est inquiétant quand on voit l’état du marché mobile).

Une nécessaire évolution de la réglementation

Notre propos n’est pas de remettre en cause ce type d’offres qui constitue en réalité une évolution naturelle du marché. Mais plutôt de mettre en évidence qu’il crée de nouvelles complications qui impliquent une adaptation de la règlementation. Adaptation qui sera de plus en plus nécessaire à mesure que la convergence « commerciale » évoluera vers une convergence « technique » des réseaux (j’aurai l’occasion d’en parler dans un autre billet).

Tout d’abord, il semble essentiel de supprimer les engagements de 24 mois, qui altèrent déjà substantiellement la concurrence sur le marché du mobile et aboutira aux mêmes effets, par contamination, sur le marché fixe. En effet, tant que le consommateur sera lié à un opérateur pour son offre mobile il n’aura aucune incitation à changer de FAI, puisque le résultat immédiat serait une augmentation de sa dépense globale. Ou alors il doit changer à la fois d’opérateur pour le fixe et le mobile. Ce qui est loin d’être simple.

Ensuite, des procédures permettant une migration globale doivent être prévues. Et il y fort à parier que dans un futur proche ce type de dispositifs sera plus que nécessaire. En effet, les opérateurs vendent de plus en plus de services spécifiques, par exemples le stockage de donnés. La question de la migration de ces services d’un opérateur à l’autre finira par se poser.

Enfin, il va peut être également falloir repenser un certain nombre de règlements qui ne sont pas aujourd’hui directement liés aux communications électroniques. En effet, on peut supposer, par exemple, que dans un futur proche les opérateurs hébergeront des applications pour votre ordinateur (le fameux cloud computing), votre smartphone et autres objets communicants. Imaginons un consommateur qui a acheté auprès de son opérateur une application pour un smartphone défini. Que se passe t-il s’il change de terminal (avec un OS différent) ou d’opérateur. Voir les deux?

Le consommateur peut perdre l’usage d’une application qu’il a pourtant payé. Ce type de contraintes créer donc une barrière supplémentaire à la sortie non seulement sur le marché des terminaux mais également sur celui des communications sans fil.

Pour contourner ce problème on peut imaginer un découplage total de la licence et du logiciel en lui même. Le consommateur achèterait alors une clef  d’activation lui permettant l’usage d’une application pour un nombre défini d’années. Il serait alors libre de choisir la forme numérique du logiciel sans contrainte quant à sa source (le lieu où il est hébergé/téléchargé) et à son standard (iOS, Android, Symbian, etc.). Bien entendu, durant la période de validité de sa clef le consommateur serait libre de changer d’opérateur et/ou de téléphone.

Comme on peut le voir, maintenir une certaine fluidité sur le marché des communications électroniques implique de repenser son encadrement. Et il est fort probable que pour maintenir un marché des communications électroniques suffisamment concurrentiel, le législateur devra faire preuve de beaucoup d’imagination.