Ça me gratte : Le décollage du FTTH implique de tuer le cuivre !

Bien que le FTTH soit dans toutes les bouches depuis plusieurs années, sur le terrain les choses évoluent peu. Ce qui créer une certaine impatience. Dans ce contexte, il est peu étonnant que certains perdent la mesure et se hâtent de tancer le premier venu. En l’occurrence, le coupable désigné est l’ARCEP, accusée de saborder le développement du très « Haut débit » en France.

Ce qui dans le fond n’est pas d’une grande originalité, les opérateurs utilisent souvent cet artifice (accuser le régulateur) pour justifier leurs manquements. Par conséquent, c’est faire preuve de naïveté voir de cécité que d’avaler ce type d’accusations sans aucune forme de discussions.

Certes, les décisions de l’Autorité ne sont pas exemptes de reproches, elle a, par exemple, eu la main un peu lourde (voir très lourde) lorsque elle a dressé la liste des villes situées en zones denses et elle a, à mon sens, trop vite cédé à Orange sur la mutualisation en pied d’immeuble (ce qui a conduit à créer l’usine à gaz du multi-fibres pour préserver une « certaine concurrence », ce qui n’aurait pas été nécessaire avec un point de mutualisation en amont du réseau). Néanmoins, ses décisions ont permis de clarifier les choses et de lever certaines incertitudes.

En réalité, les polémiques sur les décisions de l’autorité sont bien plus un écran de fumée qui vise à cacher une autre réalité. Tout d’abord les intenses négociations qui se déroulent en coulisses sur un grand nombre de questions qui n’ont pas encore été tranchées :

– les conditions d’accès aux immeubles pour les opérateurs n’ayant pas co-investi dans le déploiement vertical (prix, location ou vente d’une fibre, quelle fibre utilisée : celle d’un opérateur ou la fibre surnuméraire, etc…)

– comment déployer dans les villes de la zone 1 lorsqu’il s’agit d’un quartier ou la densité de population est faible (la mutualisation en amont du réseau serait, semble t-il, testée).

– Quid des zones 2 et 3

–  Etc.

Ensuite et c’est selon nous l’un des points les plus importants : le cuivre a, d’un point de vu économique, encore de beaux jours devant lui. En effet, l’aDSL est très rentable pour l’ensemble des opérateurs et Orange tire une rente exceptionnelle de la location de sa boucle de cuivre (ce qui est anormal puisqu’il s’agit d’une facilité essentielle, ce qui signifie que son prix doit converger vers son coût). Pour quelle raison l’opérateur historique renoncerait à cette manne qui tombe du ciel sans le moindre effort?

Dès lors, pour que la fibre décolle enfin, il semble nécessaire de tuer le cuivre et de le faire intelligemment.

En effet, baisser le prix du cuivre pourrait modifier les incitations de tous les acteurs mais pas forcement dans le même sens. Si le prix du cuivre est abaissé, il devient nettement moins intéressant pour Orange mais la rentabilité de l’aDSL pour les alternatifs augmente mécaniquement (le coût du dégroupage baisse) de manière significative. Le prix facial du cuivre doit donc rester le même pour les concurrents de l’opérateur historique (et pourquoi pas, à terme, augmenter).

La solution? Créer un mécanisme permettant de maintenir le prix du cuivre (du dégroupage) à 9 euros mais autorisant une diminution des revenus pour Orange. L’opérateur historique vendrait donc à un prix représentatif des coûts qu’il supporte (7 euros? 5 euros?).

Un tel procédé permettrait de faire converger les incitations. Et sans aucun doute, si Orange se décide à investir et à proposer massivement aux consommateurs de la fibre, ses petits camarades suivront. On peut également parier qu’une fois que les incitations des opérateurs seront alignées, les négociations qui ce jouent aujourd’hui se débloqueront d’elles-mêmes.

Petit bonus, les revenus tirés de ce mécanisme (la différence entre le prix payé par les alternatifs et le prix perçu par Orange) pourraient être utilisés dans le développement des réseaux FFTH. La boucle (fibre) est bouclée !