Ça me gratte : le « climagate », une bonne blague !

Je suis surpris que l’on s’étonne des supposés bricolages (qui a vu l’ensemble des mails?) de scientifiques membres du GIEC pour masquer des incohérences dans leurs modèles.

Qui a déjà végété dans le milieu scientifique sait que la manipulation des données ou de la réalité (Comment, c’est possible? Et oui! Voir le billet sur le Nobel d’économie 2009) est un grand classique.

Quand un modèle, qui est une abstraction de la réalité, ne donne pas les résultats escomptés, soit on travaille pour atteindre l’objectif final, soit on bricole.

Et devinez quoi ? le plus souvent on bricole! Attention, je ne dis pas que les chiffres utilisés sont faux, juste que l’on utilise ceux qui nous arrangent et de manière à obtenir le résultat souhaité (avec des hypothèses restrictives). Par exemple, si une série de données induit des résultats non souhaités, on l’enlève justifiant une anomalie, une « aberration ».

Parfois, on pose des hypothèses restrictives non pas pour obtenir un résultat spécifique, mais tout simplement pour avoir un modèle fonctionnel, dans le jargon « qui tourne ». Par exemple, la majorité des modèles utilisés pour faire de la prévision en économie postulent que les rendements d’échelle sont constants. Evidemment, cela ne correspond nullement à la réalité, mais des rendements croissants et/ou erratiques sont difficiles à écrire en langage mathématique et/ou perturbe le fonctionnement du modèle.

Le modèle utilisé est donc objectivement « faux » mais il est une construction intellectuelle qui tourne, qui produit des résultats, et souvent cela suffit. Le travail reste honnête scientifiquement parlant à partir du moment où les auteurs indiquent ces manipulations et tracent les limites de leurs modèles. Mais tous ne le font pas, ou alors insuffisamment.

Les causes de ces comportements ne sont pas difficiles à comprendre. Comme tous les professionnels, un scientifique pour développer sa carrière doit produire, concrètement publier, beaucoup même, et faire des colloques (cela est encore plus vrai lorsque les financements proviennent du secteur privé!). Pour cela, il doit avoir quelque chose à raconter.

Vous vous demandez, sûrement, comment ses pairs, qui jugent son travail, laissent passer ces « tripatouillages »? Tout simplement car les sciences, comme beaucoup d’autres domaines, sont organisées en chapelles, donc tout article qui renforce la doctrine de l’une d’entre elles avec un travail en apparence robuste est le bienvenue. Et si votre travail démontre que vos pairs ont raison, vous êtes certain de ne pas être embêté!

En économie, à partir du moment où vous utilisez un modèle mathématique qui reprend les grands postulats et résultats du courant dominant, le courant néoclassique, si vous avez un petit réseau, vous pouvez raconter n’importe quoi, vous serez publié.

Rassurez-vous c’est la même chose chez les autres. Il suffit de suivre les débats autour des modèles visant à analyser la croissance économique pour s’en convaincre. Les Néoclassiques comme les Keynésiens fabriquent des modèles avec des postulats plus ou moins invraisemblables. Mais tant que c’est mathématiquement robuste tout le monde applaudit. Robert Solow,par exemple, fut prix Nobel d’économie en 1987, alors même que son modèle de croissance explique que le progrès technique tombe du ciel (il est exogène)….. et si les modèles développés en réaction se sont attelés à « endogénéiser » ce progrès technique, les hypothèses permettant ce tour de passe passe, parfois plus rhétorique que scientifique, sont rarement plus convaincantes. Mais c’est scientifique puisque qu’il y a des mathématiques et ….. qu’on vous le dit!

Vous pourrez m’objecter : l’économie est une « science sociale » et, par conséquent, elle n’est pas « vraiment une science », ce qui explique…. Mais qui s’intéresse aux débats méthodologiques, sait que ces problèmes se retrouvent, de manière plus ou moins accentuée, dans toutes les disciplines.

Il faut également ne pas oublier que la science (au sens élaboration de théories) ne produit aucune vérité absolue, une nouvelle découverte scientifique en chasse une autre. Leur seul mérite de chacune d’entre elles est justement d’approcher, au moins en apparence, d’un peu plus près la vérité. Mais comment établit-on qu’une théorie se rapproche de la vérité puisque justement on ne connait pas cette vérité.

En fait, on établie qu’une théorie est « vraie » tant qu’il n’a pas été démontré qu’elle est fausse. Élémentaire mon cher Watson. C’est ainsi que la théorie de la relativité d’Einstein a chassé la théorie Newtonienne et que à son tour, elle a en partie été chassée par la théorie quantique. C’est la fameuse falsificationde Karl Popper, qui intervient le plus souvent avec l’étape du « test empirique ». On confronte le modèle à la réalité. Mais comme je l’ai déjà souligné des parades existent, il suffit de tordre la réalité!

Alors, ces mails de quelques scientifiques membres du GIEC signifient-ils que la théorie du réchauffement climatique dû à l’action de l’homme est une manipulation? Non, juste que les scientifiques ne seraient pas parvenus avec leur modèle à décrire ce qui selon eux constitue la réalité ou que les données disponibles remetttent en cause leur modèle (la fameuse vérification empirique fatale à bien des théories). La belle affaire.

Et ceux qui contestent les effets de la pollution sur le climat ont-ils quelque chose de plus plus robuste à proposer? Evidement non.

Pour ce faire une opinion il faut lire les rapports, tous (pour et contre), car tout n’est heureusement pas du bricolage. Il y a des faits, des constations, des chiffres qui peuvent vous convaincre ou pas.

Science, conviction, opinion, tout est relatif (c’est peut être la seule vérité fournit par la science!)